Les allocataires, travailleurs sociaux, agents de France Travail, élu-es, associations d’insertion la dénoncent quand le conseil départemental du Finistère l’encense, à grand coup de communication institutionnelle. Afin de démêler le vrai du faux autour de la réforme du RSA et du renforcement des contrôles et des radiations, le PS et les élu-es Finistère et solidaires ont, le 19 avril, invité Arthur Delaporte et Michel Abhervé à une réunion publique à Brest. Le premier, député du Calvados, fut le chef de file du groupe socialiste lors de la discussion du projet de loi « plein emploi ». Le second, spécialiste de l’insertion tient un blog de référence sur le site d’Alternatives économiques

Arthur Delaporte
Pour Arthur Delaporte, la réforme du RSA n’est qu’une des briques dans le système social que veut imposer Emmanuel Macron. Elle s’inscrit dans la même démarche que la réforme des retraites et celle de l’assurance chômage : remettre les fainéants au travail, étant entendu qu’il « suffit de traverser la rue pour trouver du travail. »

Michel Abhervé
Par conséquent, tout ce qui contribue à limiter les aides sociales doit, mécaniquement, favoriser le retour à l’emploi. D’autant qu’il existe des centaines de milliers d’emplois non pourvus dans des secteurs dits en tension. « Mais si personne ne répond à certaines offres, c’est essentiellement à cause des conditions de travail et des salaires. Les offres pour des emplois correctement rémunérés ne restent pas longtemps vacantes » a insisté Michel Abhervé.
L’obligation de 15 heures d’activité par mois résulte d’une compétition électorale entre la droite et la macronie. Valérie Pécresse avait, dans la campagne présidentielle, proposé d’instaurer 15 heures de travail. Emmanuel Macron a repris l’idée en transformant ces 15 heures de travail en 15 heures d’activité. Mais les décrets d’application n’ont toujours pas été publiés et d’ailleurs, ATD quart monde a lancé une pétition pour demander à ce qu’ils ne le soient pas.
Pour se convaincre que cette réforme est purement idéologique, il suffit de constater que la loi a été votée alors même que les expérimentations n’avaient même pas été évaluées.

Kévin Faure
La macronie a tenté d’effacer le clivage droite gauche. « Mais lorsqu’on regarde les politiques d’insertion, il saute aux yeux » a souligné Kévin Faure, président du groupe Finistère et Solidaires. Là où la gauche accompagne, la droite stigmatise. « Un contrat, normalement, c’est une rencontre entre deux consentements » a rappelé la conseillère départementale de Quimper Armelle Huruguen. Or, les élu-es sont alertés par des allocataires, en particulier dans la filière agricole, à qui on exige des heures d’activité alors même qu’ils et elles travaillent dans leurs exploitations. Sans compter toutes celles et tous ceux qui pourraient demander le RSA mais qui y renoncent.

Armelle Huruguen
La majorité du Conseil départemental du Finistère s’inscrit parfaitement dans cette logique libérale plus à l’aise pour mettre en avant des tableaux excel que pour accompagner et lever les freins à l’insertion. 3000 allocataires sont sortis du RSA. Mais personne ne sait ce qu’ils et elles sont devenus.
Alors, à qui profitent les réformes du RSA ? Certainement pas aux allocataires qui vivent avec le stress permanent de se voir radiés pour un document rendu hors délais ou une source de revenu mal déclarée.
Pas non plus aux travailleurs sociaux ou aux agents de France Travail qui ont choisi leur métier pour venir en aide et accompagner et qui se retrouvent à contrôler et à sanctionner. « Ces nouvelles missions engendrent des tensions et vont provoquer une crise de vocation » a prévenu Michel Abhervé. En effet, pour contrôler les allocataires, le respect de la vie privée est totalement bafoué.
Les associations d’insertion sont aussi victimes de cette course aux radiations puisque les objectifs qui leur sont assignés sont de plus en plus impossible à atteindre.
« Les pauvres n’ont pas les moyens de se payer les services de conseillers fiscaux pour savoir comment placer au mieux leurs découverts ».
On connaît pourtant les freins à l’emploi. Ce sont, dans l’ordre, des problèmes de santé, de mobilité et de gardes d’enfants. L’absence de volonté est anecdotique. Et, comme l’a rappelé Michel Abhervé « les pauvres n’ont pas les moyens de se payer les services de conseillers fiscaux pour savoir comment placer au mieux leurs découverts ».
Les seuls organismes qui peuvent « profiter » de ces réformes sont les entreprises privées qui vont se partager le juteux marché de l’accompagnement des demandeurs d’emploi, en prenant garde de ne s’occuper que des moins éloignés du marché du travail.
« La réforme du RSA pose la question de la société dans laquelle nous voulons vivre ? » a résumé Tristan Foveau. Le nombre d’allocataires a baissé dans le Finistère mais à quel prix ? Des radiations, des non-recours et du stress pour les allocataires et les travailleurs sociaux. Pourtant, une autre politique de l’insertion est possible. Elle passe par la suppression des sanctions, un droit opposable à l’accompagnement, l’attribution du RSA aux moins de 25 ans et une augmentation des prestations car, avec 600 euros par mois, on ne vit pas : on survit.
