Sous Pompidou et Giscard, on n’avait pas de pétrole mais on avait des idées ». Comme celle totalement incongrue de défigurer la pointe du Raz, un des plus beaux sites naturels du pays, en prévoyant d’y construire une centrale nucléaire.
Il y a 45 ans, au week-end de la Pentecôte 1980, les 24 et 25 mai, Plogoff était le théâtre de la plus grande manifestation d’opposant-es au projet de centrale nucléaire avec une mobilisation de près de 100 000 personnes.
La droite finistérienne soutenait le projet de centrale à Plogoff
Ce point culminant de la contestation intervient après plusieurs années de lutte et surtout quelques semaines après la fin de l’enquête d’utilité publique (entre janvier et mars 1980) qui a transformé la commune en camps retranché avec, tous les jours des affrontements entre manifestant-es et force de l’ordre pour la fermeture des « mairies ambulantes », protégées par des CRS pour « la messe de 17h00 ».
Comment en était-on arrivé là ? Après le choc pétrolier de 1973, le gouvernement français a décidé de lancer un grand plan de construction de centrales nucléaires, appelé « plan Mesmer ». Chaque région devait être dotée d’une centrale. Y compris la Bretagne puisque celle de Brennilis, lancée en 1967 n’était qu’expérimentale. Plusieurs sites avaient été repérés sur la côte : Erdeven, dans le Morbihan et Guimaëc, Ploumoguer et Plogoff dans le Finistère. Ce fut finalement le site de la pointe du Raz qui fut retenu, validé par les majorités de droite du conseil général du Finistère (29 novembre 1978) et du conseil régional de Bretagne (25 septembre 1978).
Les socialistes au cœur de la mobilisation
Animée par le maire socialiste de Plogoff, Jean-Marie Kerloc’h, l’opposition au projet de centrale se manifeste par de nombreuses manifestations à Brest et Quimper et surtout par une résistance acharnée dans le Cap Sizun mais aussi au-delà avec de nouveaux modes de mobilisation. Dans le Breton Socialiste de janvier 1981, Geneviève Garros, alors secrétaire du comité de ville de Quimper explique comment le PS, l’UDB, le PSU et la CFDT ont créé l’association « ciné-action-Cornouaille » qui s’est fixé pour objectif de diffuser le film « dossier Plogoff » qu’elle présente comme « un excellent support pour une réunion débat sur les problèmes du nucléaire, de l’énergie, de la démocratie, de l’autonomie régionale…
Dès les premières annonces, en 1976, les socialistes font part de leur opposition à la construction d’une centrale à Plogoff. Le « Breton Socialiste » du 19 mars 1977, explique leur position : « Le parti socialiste n’est pas hostile a priori à l’utilisation civile de l’énergie nucléaire ; il est soucieux de la sécurité des populations et des travailleurs, ainsi que de l’avenir économique du pays ». Mais il s’est opposé très nettement au programme nucléaire trop rapide, trop excessif mais aussi antidémocratique dans la manière dont il a été décidé.
C’est dans ce contexte de très forte opposition qu’intervient la mobilisation de la Pentecôte 1980. A ce moment, alors que l’enquête d’utilité publique a été réalisée, seule l’élection présidentielle de 1981 peut trancher. Dans le camp des partisans du projet, on trouve Valéry Giscard d’Estaing et Georges Marchais. Dans celui des opposant-es, François Mitterrand et Huguette Bouchardeau. Le 10 avril 1981, François Mitterrand martèle dans son meeting de Brest que « Plogoff ne figure pas et ne figurera pas dans mon plan nucléaire ! » et il précise que pour lui ce projet est « une faute contre l’esprit ».
Sur Plogoff, on fait ce que l’on a dit
C’est donc le 10 mai 1981 que se décide l’avenir de la pointe du Raz. L’annonce de l’élection du premier président socialiste de la 5e République est célébrée dans le cap Sizun. Dans un article du Breton socialiste de juin 1981, intitulé « Plogoff respire », Daniel Bouer, secrétaire de la section de Douarnenez à l’époque, salue la très nette victoire de François Mitterrand qui a été ressentie comme une délivrance, la fin heureuse d’une longue et dure période de résistance ».
Reste juste une formalité : confirmer officiellement l’abandon du projet. Dès le premier conseil des ministres, Louis le Pensec, ministre de la mer, interroge François Mitterrand qui lui répond « Sur Plogoff, on fait ce que l’on a dit. Il revient aux ministres concernés de donner dans les temps qui viennent la traduction administrative qui convient à la décision d’abandon du projet ”.
En savoir plus sur le 10 mai 1981 dans le Finistère
L’affiche commentée par Alain Le Quernec